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Guéorgui Gospodínov, Un roman naturel

Ce texte a beau être assez bref, il contient beaucoup plus qu'il n'en faut d'ordinaire pour farcir un roman. C'est l'histoire d'un homme qui se sépare de sa femme - et de ses chats. C'est l'histoire d'un homme qui voudrait vivre quelques jours en clochard afin de pouvoir raconter l'histoire d'un type qui, pour écrire un roman dont le héros est un clochard, s'est fait clochard lui-même. C'est une histoire du monde vue du point de vue des mouches - l'idéal du roman moderne étant ici donné, comme un récit aux mille facettes diffractant ce que nous appelons la réalité… laquelle est, comme chacun sait, le concept le moins “ naturel ” qui soit. C'est une histoire des lieux-dits “ d'aisances ” (publics et domestiques), ces retraits privilégiés où la marionnette humaine accepte enfin de poser le masque - et la culotte. C'est un traité, de la Nostalgie qui nous renvoie à ces fameuses années 70 où, sous le règne du regretté Leonid Brejnev, la glaciation post-stalinienne favorisait à sa façon une vision toute virgilienne de ce bas monde. C'est un hommage à Dame Nature - c'est-à-dire à Démocrite et à Linné. Et à Dame Littérature - c'est-à-dire en l'occurrence à Queneau, semble-t-il, et à l'énigmatique J. D. Salinger.

Comment le roman est-il possible, aujourd’hui, quand le tragique nous est refusé. Comment est possible l’idée même d’un roman lorsque le sublime est absent. Lorsqu’il n’existe que le quotidien – dans toute sa prévisibilité ou, pire dans le système écrasant de hasards accablants. Le quotidien dans sa médiocrité – c’est seulement là qu’étincellent le tragique et le sublime. Dans la médiocrité du quotidien.

Agréablement surpris par ce roman d'un auteur bulgare, ça court moins les rues que les yoghurts Kremli®™©, ça a beau être du postmoderne balkanique, ça marche bien et il y a même de l'humour.

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  • Dernière modification : 2020/05/27 10:35
  • de radeff