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Anthony Doerr, Le mur de mémoire

“Memory Wall”, 2010. Recueil de nouvelles.

De l’Afrique du Sud à la Lituanie, de l’Allemagne nazie à la banlieue de Cleveland, le livre d’Anthony Doerr est un voyage troublant dans l’espace et dans le temps. Le temps de la mémoire qui relie, comme un fil fragile, les personnages de ces six nouvelles, tous hantés par la perte ou la résurgence de leur passé, et confrontés à ce manque vertigineux de ce qui a été mais n’est plus. À l’image d’Alma, une veuve septuagénaire de Cape Town, à qui l’on tente curieusement de voler ses plus précieux souvenirs, dans la magnifique nouvelle qui donne son titre au recueil.

J'ai adoré ce bouquin - surtout la première nouvelle qui se déroule en Afrique du Sud, entre vieux et jeunes, riches et pauvres, avec comme fil conducteur la mémoire, à travers le temps (dans la première nouvelle, il y a tout un élément archéologique lié à la recherche d'anciens fossiles) et l'espace (les nouvelles se déroulent un peu partout sur la planète).

Grand-Père Z crie. Quelque chose est en train de faire surface à six mètres de la barque. Ça vient sans se presser, tel un sous-marin, comme issu d’un rêve : énorme, la taille d’un bureau. C’est un poisson.

J’aperçois quatre barbillons sous son museau, comme des serpents. Je vois son ventre, blanchâtre comme du brouillard. Je vois le gros hameçon planté dans sa mâchoire. Il se meut lentement et secoue sa tête d’avant en arrière, comme un cheval qui chasserait une guêpe.

Il est immense. Il est extraordinaire. Il fait trois mètres de long.

Erketas, dit Grand-Père Z.

J’en peux plus, dis-je.

Grand-Père Z dit : Mais si.

Tirer, mouliner. Inspirer de la lumière, expirer de la couleur. Le ventre de l’esturgeon est très blanc. Sa bouche aspire et se referme, aspire et se referme. Son dos est recouvert d’une armure. Il a l’air d’avoir cinquante mille ans.


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  • Dernière modification : 2023/12/27 06:04
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