billets:2019:0207didier_eribon_retour_a_reims

Didier Eribon, Retour à Reims (Une théorie du sujet)

© Source image: fayard.fr

Après la mort de son père, Didier Eribon retourne à Reims, sa ville natale, et retrouve son milieu d’origine, avec lequel il avait plus ou moins rompu trente ans auparavant. Il décide alors de se plonger dans son passé et de retracer l’histoire de sa famille. Evoquant le monde ouvrier de son enfance, restituant son ascension sociale, il mêle à chaque étape de ce récit intime et bouleversant les éléments d’une réflexion sur les classes, le système scolaire, la fabrication des identités, la sexualité, la politique, le vote, la démocratie…

Réinscrivant ainsi les trajectoires individuelles dans les déterminismes collectifs, Didier Eribon s’interroge sur la multiplicité des formes de la domination et donc de la résistance.

Un grand livre de sociologie et de théorie critique.

Didier Eribon est professeur à la Faculté de Philosophie, sciences humaines et sociales de l’université d’Amiens. Il a également enseigné à l’université de Berkeley (Etats-Unis).

Auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Réflexions sur la question gay (Fayard, 1999), Une morale du minoritaire (Fayard, 2001), D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française (Leo Scheer, 2007), il a été le lauréat 2008 du prestigieux Brudner Prize décerné chaque année par l’université Yale.

© Source: fayard.fr

Des régions ouvrières, autrefois bastions de la gauche et notamment du Parti communiste, ont assuré, et continuent d’assurer, une présence électorale significative à l’extrême droite. Et je crains fort que les intellectuels qui, manifestant ainsi leur ethnocentrisme de classe et projetant leurs propres modes de pensée dans la tête de ceux à la place desquels ils parlent en prétendant être attentifs à leurs paroles, se gargarisent des « savoirs spontanés » des classes populaires – et ce avec d’autant plus d’enthousiasme qu’ils n’ont jamais rencontré dans leur vie quelqu’un qui y appartienne, si ce n’est en lisant des textes du xixe siècle – ne courent le risque de se heurter à de cinglants démentis et à de cruelles déconvenues. C’est précisément de ces mythologies et de ces mystifications, que certains s’acharnent à perpétuer (pour se faire applaudir comme les tenants d’une nouvelle radicalité), autant que des dérives néoconservatrices évoquées antérieurement, que la gauche doit se défaire si elle veut comprendre les phénomènes qui la conduisent à sa ruine et espérer un jour les contrecarrer. Il n’y a pas de « savoir spontané » des dominés, ou, plus exactement, le « savoir spontané » n’a pas de signification fixe et liée à telle ou telle forme de politique : la position des individus dans le monde social et dans l’organisation du travail ne suffit pas à déterminer l’« intérêt de classe » ou la perception de cet intérêt sans la médiation des théories à travers lesquelles des mouvements et des partis proposent de voir le monde.

Je l'avoue, je n'avais jamais entendu parler de cet auteur et j'ai eu de la peine à entrer dans les premières pagres de ce petit ouvrage à la plume un peu précieuse pour ma lourdeur, devenu un succès en librairie et même traduit en norvégien.

Mais j'ai rapidement été séduit, complètement embarqué par cette espèce d'ovni, à cheval entre les Confessions de JJR, un manuel de sociologie et un condensé de l'histoire de la France de l'après-guerre.

Et l'auteur est politiquement franchement fréquentable, d'autant plus qu'il ne pratique pas la vulgate stalinienne si cher à nos voisins de l'Ouest, mais une vision éclairée d'un marxisme à visage humain1).

Et le sociologue ne s'arrête pas là, puisqu'il nous livre dans cet interview une grille d'analyse pas inintéressante du maconnerisme macronisme:


1)
encore que… Là c'est moi qui parle et ce n'est que moi que cela engage, possible qu'Eribon soit horrifié d'être apparenté à un adepte du vieux Karl… Mais je pense que la position est défendable, surtout si on voit sa filiation intellectuelle, dans laquelle nous partageons pas mal de choses - notamment Karl Korsch
  • billets/2019/0207didier_eribon_retour_a_reims.txt
  • Dernière modification : 2019/02/07 06:28
  • de radeff